Dans son atelier, la couleur danse au ras du sol. La toile tendue, le pinceau en main, l'artiste étend la folie créatrice. D'une toile vierge, Patrick Baillet explore autant l’infiniment petit que l’infiniment grand.

Patrick Baillet travaille dans sa maison-atelier dans un grand espace blanc au sol gris taché de ses couleurs. Il peint au ras du sol, marche parfois sur le territoire de la toile allongée. Il plonge ses pinceaux dans la couleur des pigments associés aux médiums acryliques, à la gomme laque et autres produits industriels détournés (après avoir longtemps utilisé la technique à l’huile), et viennent les gestes.

Il tourne autour de celles qui sont tendues sur châssis, marche, se tient accroupis tenant à la main le pot de son mélange coloré et de l’autre la brosse qui obéit à la main et à l’œil. Les formats sont souvent très grands et le rapport du support au corps prend alors toute son importance1.

« Quand je suis en face de la grande toile blanche, j'ai une idée précise du sujet - c'est-à-dire du support figuratif de l'image -, très précise de la composition, mais beaucoup moins de la couleur. C'est en fait dès que la première touche est posée, avec frénésie, comme une porte ouverte, que l'aventure commence ».

Eclosion, 2012, 200 x 200 cm

Patrick Baillet passe au crible de sa vision poétique et hédoniste, la nature qui l’entoure, la ceint même, devrait-on dire, tellement le lieu de travail et de vie est au centre d’un paysage en perpétuel changement, au rythme des saisons et des floraisons. Tout à la fois grands et petits formats racontent l’intime d’une fleur, d’un bourgeon ou d’un océan de vert quand l’œuvre est au vert, de rouille et de blanc quand l’œuvre est au blanc ; L’alchimie opère en nous invitant à être au cœur du processus de création végétal. Il y aurait donc le paysage dans sa plénitude de l’instant, et le zoom focalisé sur l’infiniment petit de la folie en devenir. Traité sur une surface blanche par ajout de couleurs acryliques et pigments, l’œuvre sur toile offre le ravissement éprouvé lors du passage alterné des saisons. Et puis les dépositions, qui opèrent par retrait sur velin d’Arches, d’encres d’émulsions acryliques et de pigments, laissant les traces de couleurs échappées d’une floraison passée. C’est émouvant comme la sève écoulée qui garde et conserve la beauté fragile du sang de la nature fixée sur le papier2.

Forêt, 2015, 160x120 cm.

Avec le temps l’œuvre de Patrick Baillet semble sortir d’un certain intimisme, vouloir se mesurer aux échelles du monumental. Les toiles ont vu leurs dimensions augmenter dans des proportions importantes, en même temps que la matière elle même dont elles sont faites évolue, gagne en intensité et en diversité, en richesse et en liberté. Un espace qui s’agrandit quand la planète semble se rétrécir3.