Sensible aux éléments du jardin qu'elle cultive depuis 30 ans, Agnès lie le (sur)naturel, vivants et morts, avec la chaux, le bitume et le bois gravé.
Je suis du monde des illettrés.
J'appartiens à ce monde.
Alors à la place je parle,
À la place je gueule,
À la place je gueule du beau,
À la place je déclame,
À la place je range, j'ordonne à ma manière, je lave, je gouge, je bitume dans le bois, j'explique sans mot.
À la place je peins, voilà tout.
Gouger le bois
J'aime le bois simple, pauvre, basique, la volige, le pin.
J'aime le gouger, le graver, l'inscrire.
Travailler la chaux, l'enduire, mêler les couleurs, les différents pigments à la colle acrylique.
J'aime bitumer, goudronner. Comme brûler le bois, en faire des ex-vottos.
Les noirs et les bistres des goudrons pour coques de bateaux se tendent sur des fonds céladons et ocres. Là se joue une peinture mentale où les goûts et les senteurs engrangés chantent le vibrant, la solitude aussi.
L'artiste évoque le non-dit, le précédent, les lieux invisibles où montagnes, calvaires et volcans ouvrent de nouveaux mondes craquants et fragilisés.
Musée de Vendôme, 2014.
Nocturne
Dans la nuit, un seul souffle, celui du sanglier, un seul souffle.
Cervidés
Ils sont branches, ils sont arbres.
Toundra
Le vent, la neige, les branches, la nuit.
Volcans
À l'intérieur le feu, masse liquide brûlante,
Incontrôlables folies.
Soieries
Entourons nos cœurs, nos corps des plus belles soieries, de taffetas lumineux, de très beaux brouillards, de dentelles, de branchages.
Nous sommes de retour, de retour de guerre...
Les Calvaires
"Ils délimitent mes bouts du monde."
Tout a commencé comme cela.
Comme quelque chose qu'il ne faut pas dire,
Oui, comme un non dit.
On fait un peu les comptes ? On y va !
À mes chères caraïbes qui sentent le rhum et le cresyl.
Aux calvaires de Plouërmelle en Bretagne.
À mon père Paspire né dans une Guadeloupe folle, jeune, de rhum, de violences, de coups, une Guadeloupe des colonies.
À ma mère bretonne de Nantes
À son fameux quartier ouvrier : Chantenay,
À sa folle façon de se redresser.
À mon île d'Atlantique : Oléron la grande.
Aux marécages, aux forêts, aux pins, aux odeurs de curry, aux sangliers amis qui retournent la terre, aux souffles dans la nuit.
À ces baignades éternelles, en suspens, ainsi nous sommes toujours frères et sœurs à jamais dans l'eau de mer, dans l'odeur de l'océan sur Oléron dans le soleil à jamais , à jamais.