Entre le Petit Pays de son enfance et le monde de ses voyages, Françoise Bertsch peint la terre, la roche, le feu, l’arbre. Son œuvre est une alchimie de couleurs, de formes, de rythmes, de contrastes. Elle exprime sa mémoire, son présent, sa violence, son apaisement, son combat et son amour.
Alchimie secrète, cheminement inconscient
Dans sa Bourgogne, dans ce Petit Pays où irrésistiblement elle trouve refuge et inspiration, Françoise Bertsch laisse venir à elle les occasions et les impressions du moment : thèmes d'expositions, variations des lumières et des saisons, émotions surgies, ou ressurgies.
Sa démarche picturale est apparue jusqu'ici structurée autour d'une double focalisation : celle du Petit Pays, berceau des premières sensations, et celle de L'Ailleurs, de la découverte de lumières, de couleurs, d'atmosphères nouvelles.
Mais dans la réalité de la création, les choses ne sont pas si tranchées, si antithétiques. Au vrai, c'est une alchimie autrement plus secrète et plus complexe qui mène le jeu : la masse de souvenirs et d'images accumulés dans la mémoire, essentiellement inconsciente, va agir puissamment et mystérieusement sur le geste du pinceau, sur l'utilisation et le détournement des hasards de la matière, sur le choix des harmonies colorées, des tonalités, des dissonances. A travers la violence des rythmes, les apaisements soudains, les rapports des lignes et des masses, c'est un chant nouveau qui se met en place dans le tableau. Combat amoureux, douloureux parfois.
Roche noire, falaises et failles
Ainsi, une rêverie sur les profondeurs de la terre et de la roche eut pour point de départ la sortie du film «Germinal » en 1993. A cette occasion, la Fondation Jean Jaurès lui proposa de présenter dans ses salons un ensemble de toiles librement inspirées du roman de Zola.
Jaillirent des peintures dont la violence reflétait celle du milieu social et historique de l'époque de cette oeuvre. Mais, surtout, couleurs et formes exprimaient les mystères des filons de roche noire et l'angoisse du feu menaçant.
Bientôt, la thématique du minéral, avec le mystère de ses strates et de ses profondeurs s'imposa dans une exposition parisienne intitulée «Le Chant de la pierre». Ici, c'est de manière récurrente que les images de la terre et de la roche, des falaises, des carrières et des failles ressurgissent.
Archéologies
Le sentiment du mystère des profondeurs de la terre et du temps, des lentes sédimentations, est omniprésent dans le travail de F. Bertsch. Il apparaissait déjà dans l'acharnement passionné des dessins de souches pour suivre dans l'intimité du bois les traces des croissances et des luttes de l'arbre.
Les images ou les suggestions de falaises et de carrières, de roches et de rochers, expriment cette même fascination. Et les grands signes noirs, récurrents dans l'œuvre, évoquent les fissures et les failles parcourant la matière et les paysages, bousculant le lent cheminement des choses.
Ainsi prend corps dans cette œuvre une perspective que l'on peut appeler « archéologique ». Elle se manifeste dans les évocations surgies de la mémoires, formes, traces menues, violences longtemps contenues et qui éclatent dans l'affrontement des couleurs. Là encore un jeu d'échos qui provoque et nourrit la création.
L'Arbre et la Forêt
Ils n'ont jamais été oubliés dans cette oeuvre. Dans la jeunesse de l'artiste, l'arbre poussait son aventure dans les champs et les haies du Petit Pays, ponctuant le paysage bourguignon. Plus tard, ce seront les pins maritimes torturés par le vent accrochant leur vigueur inentamée dans les rochers. Dansde nombreux travaux plus récents, l'évocation de l'arbre est souvent plus allusive : formes puissantes dont les torsions et les enchevêtrements racontent les luttes avec les éléments et le Temps.