Michel Diaz nous fait partager sa vision poétique de la peinture, un art qui se joue des mots et du silence, de la lumière et de l’obscurité, du sens et du mystère. Il nous guide vers les oeuvres d’Alain Plouvier qui cherche sa vérité dans l’exploration de ses confins.

Ta peinture, d'où semble remonter du fond de sa matière une sourde "lumière noire", est de celles qui s'accommodent que les mots s'y affrontent de biais, en anneaux de clarté rasante, lui évitant l'aveuglement de leur certitude définitive, faisant ainsi le choix de laisser libre champ de mi-jour à une approche tâtonnante et au questionnement de qui l'aborderait avec une réserve suspicieuse.

Car il est souvent vrai qu'à essayer de dire ce qui ne peut que s'approcher dans le silence, la parole épuise sa source et, de plus, révèle cet épuisement, s'épuisant elle-même dans le cercle parfois stérile de "ce qui reste irrévélé tant qu'on l'éclaire". Aux antipodes de ce que réclame la complicité de l'échange avec ce qui se tient dans le retrait de son discours.

Mais c'est en s'épargnant d'entrer dans cet épuisement à tenter d'éclairer ce qui, d'abord, ne lui demande pas à l'être, que la parole trouve aussi sa "lumière noire", y puisant ce langage où les mots traversent le silence et, le passant, s'y dépouillent et se condensent, pour n'y laisser que les heureux stigmates d'une épreuve qu'ils vont chercher dans l'exploration hasardeuse et obscure de leurs confins.

Car c'est bien hors les mots, ou dans cette distance avec eux mêmes, tout comme dans le vide qui se crée entre eux, appel d'air chuchotant et germinatif, et dans cette clarté tremblante de leur pauvreté fondamentale (on pourrait dire leur "dénudation") que se révèle quelque chose d'une vérité dont le sens exact leur échappe.

La poésie, sans doute, indique ce chemin, paroles "en acte plus que dépôt d'une écriture, moment de l'existence en route vers son sens, cela qui file devant", et qui prend le risque de s'avancer "dans ce qui n'est pas" et qui pourtant "nous manque". Qui ne nous est donné que dans la "résonance». Celle, qu'ici, instaurent les images dont les mots se font les complices.

C'est en ouvrier de l'obscur que vers toi-même tu avances, vers nous, avec tes yeux qui tranchent dans le rien initial de toute oeuvre, avec tes mains qui peut-être bien les précèdent, visage à nu, sans excessive prétention à nous surprendre, travaillant pourtant à nous proposer, sur le vieux miroir des rêves qui s'invente, et dans la multitude de contraintes que tu t'imposes, une parabole en éclats, martelée sur l'envers des signes.

Tes oeuvres, nous irons ici vers elles, sans préjuger de rien. Non avec le regard et la tête de celui qui sait, c'est-à-dire qui croit savoir se targuant de son objectivité pour nous en proposer la subtile analyse critique, pour en discerner la valeur ou en souligner les limites, en pointer les faiblesses, en désigner les failles, mais nous avancerons plutôt vers elles comme on va en terre étrangère en abandonnant les sentiers balisés de tous nos savoirs.

Ce n'est pas en nous confrontant à cette "étrangeté" qu'en elle rien ne revendique, mais en s'en remettant à son authentique sincérité et à son hospitalité fervente, qu'on peut, nous semble-t-il, en apprécier toute la plénitude. Dans ce qu'on pourrait dès lors appeler une grave jubilation...