Anne Moreau, artiste-peintre et capitaine, vit sur une péniche qu'elle a transformée en atelier flottant. Ses cahiers de bord témoignent de sa vie singulière entre art et navigation. Seule, mais entourée de ses animaux, elle s’est forgée un lien unique avec le monde des mariniers.

Anne Moreau vit sur une péniche, d’ailleurs elle dit - bateau - plutôt que péniche. Elle est peintre, a transformé la cale de son bateau en atelier de travail.

Son bateau, donc, est un bateau-logement, mais à la différence de beaucoup, elle le conduit elle-même et ne demeure pas, durant l’hiver, à quai à Paris. Elle a installé ses quartiers près de Montreau, à l’écluse de Varennes en pleine campagne. C’est un choix délibéré et significatif. C’est dire qu’elle ignore, sans animosité aucune, les autres propriétaires de bateaux-logement. Il faut plutôt dire qu’elle se sent différente d’eux. Elle vit son bateau tout à fait et depuis deux ans que, seule, elle le transforme et voyage avec lui, ils sont devenus indissociables.

Dire qu’elle est farouchement solitaire, n’est pas la vérité. Elle cohabite avec deux chiens, Julot et Aglaë, une chèvre, Lulubelle et un poisson qu’elle ramena par hasard dans un seau qu’elle plongea dans la Seine, pour s’y laver les mains. Il s’appelle Arthur et en ce début d’hiver, elle craint que l’eau du bocal ne gèle.

Anne tient quotidiennement un journal de bord sur lequel elle note les moindre fait du jour - son travail, les animaux, le temps qu’il fait et le changement des saisons, les visites qu’elle a pu recevoir, les heures qui s’écoulent, même lorsqu’il ne se passe rien…

Tout ceci comme elle parle, simplement avec une justesse de raisonnement et de vie dont peu de gens sont capables. Ce livre de bord compte déjà neuf cahiers qui sont un plaisir de lecture, tant pour soi-même qu’à haute voix.

L'eau à l'envers, Anne Moreau, 2010, Acrylique sur toile, présentée à la galerie Amélie, Maison d'Art.

Le monde des mariniers, particulièrement clos, timide et hostile à ces nouveaux habitant des canaux qui peu à peu rachètent leurs péniches, comme ils disent, pour les métamorphoser en yacht, (prononcer yacheute) la respectent. Ce qui est d’autant plus étonnant qu’elle est femme. En effet, on ne dit pas « le capitaine » en parlant du patron d’une péniche, mais « l’Homme » et rien d’autre.

Anne vit ce monde, en marge bien sûr de la vie professionnelle des mariniers puisqu’elle ne fait pas de transport, mais elle doit être la seule à vivre à leurs côtés sans qu’il l’ignore, bien au contraire, elle s’est attirée une certaine curiosité et de la sympathie de leur part.

Le but est donc de passer une journée avec elle sur le bateau, qu’elle en parle, qu’elle fasse lire ou qu’elle lise certains passages de ses cahiers de bord. Que la péniche fasse un court voyage de l’écluse de Varennes jusqu’à Saint-Mammès et que là nous l’accompagnons dans un des cafés du port afin de rencontrer et d’écouter les mariniers. Cela au long d’une seconde journée.