Déborah Calfond Bettan et Zoé Besmond de Senneville sont deux artistes qui se sont rencontrées par hasard, lors d’une séance de modèles vivants. Elles ont décidé de collaborer ensemble, pour créer des œuvres poétiques, où les couleurs de Déborah se mêlent aux mots de Zoé.

La relation entre l’artiste Déborah Calfond Bettan et Zoé Besmond de Senneville est une relation de collaboration artistique et de complicité poétique. Déborah Calfond Bettan est une artiste peintre qui explore les liens entre le corps et la nature à travers ses aquarelles et ses dessins. Zoé Besmond de Senneville est une actrice, autrice, modèle d’art et poétesse. Ensemble, elles ont créé des œuvres poétiques, où les aquarelles de Déborah sont accompagnées des poèmes de Zoé. Elles ont exposé leurs œuvres à la galerie Basia Embiricos en juin 2022. Elles ont aussi réalisé des performances publiques, où Zoé lit ses textes pendant que Déborah peint en direct. Leur travail est un dialogue entre leurs univers artistiques, entre la couleur et le mot, entre la forme et le sens.

Zoé :

J’aime créer avec d’autres artistes, plasticiens, peintres, illustrateurs, car cela m’inspire, et donne un autre relief à mon travail d’écriture, cela me donne des élans d’écriture et j’aime tant la matière et les couleurs. Elles me font du bien. Avec Déborah, j’aime tisser, tresser, nos histoires. Il y a comme une boucle qui est là : c’est mon corps de modèle qui a été d’abord un appui, et sert d’image, de présence pour les mots qui se fondent avec la matière, la couleur. Sur le papier, c’est comme si les corps reprenaient du relief. Nous les refaisons vivre, s’exprimer, dire. Alors que le modèle n’a pas souvent la parole, ici son corps la prend, il dit, il raconte. Il raconte ses sensations, son histoire, le dessin se met à parler, le dessin devient puissant et plein de mots. Le modèle sort de son statut d’objet, d’image, de corps qui seulement est représenté, une projection : il parle, il ressent, il respire, il reprend sa place.
C’est un mouvement tellement important pour moi, après avoir posé dix ans, de pouvoir donner une représentation d’un corps de la femme qui pose, est, et ressent. En me documentant sur le sujet (de la pose, des modèles), on trouve très peu de témoignages de femmes modèles. Que ressentaient-elles en posant ? Que représentait cette pratique pour elles ? Cela fait des centaines d’années que les femmes sont représentées, nues, surreprésentées dans les musées, mais pas de
témoignages de ce « métier », cette pratique. On trouve en revanche, des hommes qui parlent d’elles, et c’est bien aussi leur regard, très souvent qui les dépeint.
Le travail avec Déborah me permet de donner une voix à ma représentation et aussi à mon travail de création. Je suis modèle certes, muse, je déteste ce mot-là, mais je crois que ce dernier raconte en effet la capacité d’un ou d’une modèle à être inspirant.e cad co-créateur cad créant aussi par son énergie, par sa présence, amenant une vibration qui permet à l’artiste peintre ou dessinateur d’être porté, et en cela le ou la modèle est bien un ou une artiste. Enfin il y a la problématique du silence, des femmes silenciées, obéissantes, souffrantes, subissantes. Comment leur redonner la parole ?

Déborah :

Je créée, je peins, je dessine comme un exutoire, une nécessité. Pour raconter le corps de la femme, le mien et celui de toutes les autres. J’exprime qui je suis, mes pensées, mes désirs, mes besoins afin de les représenter, leur donner une forme, une couleur, une teinte, un format. Sans jamais être sûre du résultat. Quand je peins, il n’y a alors plus de carapace entre moi et le monde. Toutes les émotions sont reçues de manière violente et surgissent sur le papier. La peinture représente pour moi un réveil du corps. Après s’être absenté pendant sept ans pour incarner le corps maternel (mon corps nourrit, mon corps grossit, se dilate, mon corps soulage, mon corps enlace, il protège), il s’éveille enfin. Comme engourdie après une longue sieste. Il redevient matière, il est seul à nouveau. Comme une sensation de redécouverte de son être profond.
Il y a aussi la notion du corps dans l’espace et le corps Nature, Illustrée par la création de corps hybridés avec des éléments de la nature qu’ils soient internes (anatomie du coeur) ou externe ; paysages, arbres, végétaux.
Apparaissent alors dans mes peintures de créatures hybrides qui s’élèvent : des femmes-Arbres où leur corps est le tronc, des hommes-coeurs, des danseurs-cellules, des corps vallons, la mémoire tissulaire.
La couleur me fascine, j’ai la sensation de pouvoir la maitriser comme je le veux. Le pigment pur, le mélange, le bleu profond, le blanc peau. J’explore plusieurs supports et notamment le tissu afin de proposer au public un autre rapport à l’oeuvre. Affranchi du rapport frontal, le spectateur peut envisager l’oeuvre dans l’espace, tourner autour, la faire bouger, sentir sa volupté, sa fragilité. Les peintures, par leur transparence, dansent et se superposent dans l’espace. Importance du support: Travail sur papier, sur la transparence, le rapport charnel au dessin et au papier en particulier. Diffusion des encres, de l’eau sur le papier. (je n’aime pas peindre sur toile)
Les textes et poèmes de Zoé m’ont touché. Ils paraissaient répondre à mes oeuvres. Ils leur donnent la parole, une autre dimension. C’est ainsi qu’est né notre rencontre : deux univers se sont côtoyés, aimés et ont exprimés le désir de travailler ensemble pour donner une forme et un sens à cette envie commune.