Anne Moreau, en peintre nomade, capte la danse de l'eau et du temps. À travers des toiles brutes, elle reconstruit un univers fluide où la lumière, les courants et la mémoire se mêlent. Son œuvre invite à un voyage intérieur, entre abstraction et réalité mouvante.

Anne Moreau est une peintre dont l'œuvre semble émerger des flots, tout comme sa vie elle-même a été façonnée par l'eau. Née sous le signe du mouvement, elle a parcouru les canaux et les fleuves, vivant sur une péniche, une vie flottante où l'écoulement de l'eau devient l'écho de son propre parcours. Cette existence nomade, rythmée par le glissement silencieux des bateaux et les clapotis du courant, a imprégné sa peinture d'une fluidité qui déconstruit et réinvente le monde.

Peindre, pour Anne, c'est avant tout capter la danse de la lumière sur l'eau, l'écoulement incessant du temps, et la transformation subtile de la nature. « Sur l’écluse n°11 de Vraux, canal latéral à la Marne, Anne Moreau peint », écrit Pierre Cabanne, soulignant comment l'artiste, en s'ancrant près de l'eau, fait de chaque toile une cartographie intime de ses journées. La rugosité de la toile brute, les touches d'acrylique disposées en damiers, tout dans son travail respire une fusion entre la matière et l'esprit, où l'onde et la lumière se rejoignent pour former une poésie visuelle.

Vue de l'atelier.

L'univers d'Anne Moreau est aussi complexe que l'est la surface d'un fleuve, à la fois miroir et profondeur insondable. Son art, qui échappe à la simple figuration, crée une nouvelle langue visuelle où chaque coup de pinceau est une note dans une symphonie aquatique. Olivier Rousseau décrit cette œuvre comme « une langue nouvelle, primitive et sensuelle », et cette description capture la dualité de son travail : un retour à l'essentiel, à la matière première, tout en s'ouvrant à une sensualité brute, presque archaïque.

La vie d’Anne Moreau, marquée par une certaine errance, reflète un désir de s'enraciner dans le mouvement, de trouver la stabilité dans l'instabilité de l'eau. Lydia Harambourg note que son itinéraire, ponctué d'étapes, « fait cohabiter le passé, le présent et ce qui est à venir », suggérant que pour l’artiste, peindre, c'est donner forme au temps, créer un espace où les souvenirs et les rêves se rencontrent.

Les œuvres d'Anne Moreau, à la fois allusives et rustiques, sont des fragments d'un voyage intérieur où chaque spectateur est invité à embarquer. Il y a dans ses tableaux une invitation à la contemplation, à s'attarder sur les détails, à découvrir la poésie cachée dans la rugosité de la toile. Ses compositions, où dominent les rouges, les bleus et les ocres, sont à la fois mystérieuses et familières, comme si elles nous rappelaient quelque chose que nous avons toujours su, mais jamais vu de cette manière. Marc Hérissé parle de sa peinture comme d'une « œuvre élaborée avec finesse en dépit de leur nature rugueuse », soulignant ce paradoxe central de son travail.

Anne Moreau ne peint pas seulement des paysages, elle peint le temps, la lumière, et l'essence même de la vie qui coule et se transforme, tout comme les rivières sur lesquelles elle a choisi de vivre. Son art, profond et introspectif, est une quête de sens, une tentative de capturer l'insaisissable, de faire parler le silence de l'eau et le murmure du vent. Peindre pour elle, c'est créer un espace de méditation, un lieu où l'esprit peut s'évader, porté par les flots, vers de nouveaux horizons.